Cambodge : un projet de loi pour punir la négation des crimes des Khmers rouges
Le gouvernement cambodgien a approuvé un projet de loi rendant passible de cinq ans de prison la négation du génocide et autres crimes commis par les Khmers rouges, a annoncé samedi un porte-parole de l’exécutif.
Le projet de loi a été approuvé lors d’une réunion du gouvernement présidée par le Premier ministre Hun Manet vendredi, et sera prochainement soumis au Parlement. Le projet de loi prévoit que toute violation de ses dispositions sera punie d’un à cinq ans de prison et d’une amende de 2 500 à 125 000 dollars. Il est presque certain qu’il sera adopté : le Parti du peuple cambodgien au pouvoir détient 120 des 125 sièges de l’Assemblée nationale.
Ce projet de loi a été annoncé à moins de trois mois du 50ᵉ anniversaire de la prise de pouvoir par les Khmers rouges, le 17 avril 1975. Il a été rédigé à la demande de l’ancien Premier ministre Hun Sen, toujours très influent dans la vie politique cambodgienne. Il avait, en mai dernier, déploré que certains politiciens refusent toujours de reconnaître le génocide des Khmers rouges et avait appelé le gouvernement à les punir.
Précédent texte de 2013
Le projet de loi est destiné à remplacer un texte similaire visant la négation des atrocités commises par les Khmers rouges, entré en vigueur en 2013 également à l’initiative de Hun Sen. Il prévoyait des peines d’emprisonnement de six mois à deux ans et des amendes de 250 à 1 000 dollars. Certaines voix y avaient vu une manœuvre politique visant l’opposition. La loi avait en effet été promulguée après la publication, par le gouvernement, d’un enregistrement dans lequel on entendait le numéro deux de l’opposition, Kem Sokha, déclarer que la prison khmère rouge S-21 était une fabrication des Vietnamiens, qui renversèrent le régime de Pol Pot en 1979. Kem Sokha avait démenti, dénonçant un montage audio.
Les critiques avaient accusé cette mesure d’être une tentative voilée d’attaquer ses adversaires politiques et prétendent aujourd’hui que la dernière modification législative proposée a un objectif similaire. Le gouvernement de Hun Sen est connu pour intimider ses opposants par le biais des tribunaux, qui sont largement considérés par les groupes de défense des droits de l’homme comme des alliés du parti au pouvoir.
En mai de l’année dernière, Hun Sen, qui avait lui-même été un commandant de rang intermédiaire au sein des Khmers rouges avant de faire défection, a suggéré que la loi de 2013 devait être mise à jour. Hun Sen, qui a été remplacé en 2023 au poste de Premier ministre par son fils, Hun Manet, a affirmé que ses opposants politiques pourraient déclencher une « révolution de couleur » qui pourrait conduire à une guerre génocidaire au Cambodge.
Dernier jugement en 2022
Après une guerre civile sanglante, les Khmers rouges, dirigés par Pol Pot, ont régné dans un isolement quasi-total entre 1975 et 1979, avant d’être renversé par une invasion du Vietnam voisin. Au cours de ces années, environ deux millions de personnes sont mortes de faim, ont été exécutées ou ont péri sous la torture ou les travaux forcés.
Un tribunal soutenu par l’ONU, mis en place en 2006 et dissous en 2022 après avoir rendu son dernier jugement, a conclu que le gouvernement des Khmers rouges avait commis un génocide, des crimes contre l’humanité et de graves violations des Conventions de Genève de 1949. En plus de violations graves du droit pénal cambodgien, du droit international humanitaire et de diverses conventions internationales reconnues par le Cambodge.
Radio France Internationale – 25 janvier 2025
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