Les mauvais comportements des touristes israéliens pourraient-ils gâcher les relations avec la Thaïlande ?
Les résidents d’une ville touristique se sont plaints des vacanciers en provenance d’Israël en raison d’un choc des cultures – un problème qui a été porté jusqu’à l’attention du ministère de l’Intérieur thaïlandais.
Avec ses sources naturelles d’eau chaude, ses cascades en pleine jungle et ses vallées verdoyantes, la ville de Pai, située dans les montagnes du Nord de la Thaïlande, est depuis des années une destination paisible pour les voyageurs en quête de sérénité. Mais cette saison, une augmentation spectaculaire des comportements perturbateurs de la part des touristes – principalement de la part des vacanciers israéliens – a mis les propriétaires de commerces locaux sur les nerfs, avec des appels qui ont été lancés en faveur de la limitation du nombre d’Israéliens autorisés à se rendre en Thaïlande.
« Ils viennent à plusieurs, ils mangent beaucoup, ils commandent encore… puis ils s’enfuient », affirme madame Rennie, qui est propriétaire d’un petit café à Pai depuis plus d’une décennie. Visiblement frustrée, elle raconte de nombreux incidents où des touristes israéliens ont consommé des plats valant plusieurs centaines de bahts, refusant ensuite de payer l’addition.
D’après les entretiens réalisés avec des Thaïlandais locaux et avec des touristes israéliens de longue date, les tensions actuelles semblent être récentes. En 2024, selon les statistiques, Pai a accueilli 221 776 touristes étrangers, les Britanniques arrivant en tête (39 390 personnes). Les Israéliens se hissent à la deuxième place, avec 31 735 ressortissants.
Selon Yaniv Grinburg, 47 ans, qui s’est installé à Pai avec son épouse il y a deux ans et qui a créé un groupe WhatsApp pour les Israéliens expatriés depuis longtemps dans la région, « quand nous sommes arrivés à Pai, il n’y avait que trois autres familles israéliennes. Il y avait de temps en temps des gens qui venaient nous rendre visite et qui passaient par là. Mais cette année, c’est un véritable essaim qui a fait son apparition ».
L’augmentation du nombre de voyageurs israéliens, cette année, peut être considérée comme un contrecoup de la guerre épuisante que mène Israël à Gaza – de nombreux jeunes citoyens de l’État juif choisissant la Thaïlande comme destination privilégiée après avoir effectué leur service militaire ou leur service dans la réserve.
De plus, cette année, une « école de la forêt » israélienne a déménagé, quittant Goa pour Pai et amenant dans son sillage de jeunes familles avec des enfants. La nouvelle école et la récente construction d’un mur de sécurité autour de la maison Habad locale – il y en a sept en Thaïlande – ont donné aux habitants l’impression que les Israéliens s’installeront de manière permanente, changeant le caractère de la petite localité.
Chocs culturels et malentendus
Les tensions sont partiellement dues aux différences culturelles. Grinberg explique ainsi que « dans la culture thaïlandaise, il y a un concept appelé kreng jai, selon lequel les Thaïlandais sont très accommodants, qu’ils vous intègrent, qu’ils ne vont pas se confronter à vous : ils ne seront jamais directs. Mais à un moment donné, ils n’en peuvent plus et la situation explose. »
Les comportements problématiques qui sont associés, de manière générale, aux touristes israéliens sont les suivants : une vie sociale bruyante qui dure jusqu’à une heure très avancée de la nuit, une tenue vestimentaire inappropriée, des gestes agressifs, des querelles et des marchandages – des pratiques qui, si elles peuvent être gênantes dans d’autres parties du monde, sont totalement inconnues et malvenues dans la culture thaïlandaise.
« Le cœur du problème, ce n’est pas une question de race, de religion ou de nationalité, mais c’est une question de comportement », explique D’Tom Tomarito, membre de la police touristique locale, qui fait des heures supplémentaires pour être en mesure de traiter toutes les plaintes. « Ce problème n’est pas l’apanage des Israéliens ; si n’importe quel groupe, d’où qu’il vienne, agissait de la sorte, ce serait tout aussi problématique ».
Réponse officielle et enquête
Malgré les appels officiels à faire la distinction entre les problèmes rencontrés par les habitants de Pai face aux touristes israéliens et le sentiment antisioniste ou antisémite, les choses restent floues dans la presse locale thaïlandaise, sur les réseaux sociaux et dans les graffitis qui ont pu être découverts au sein de la ville.
Là-bas, des appels à empêcher une prise de contrôle juive de « Pai-lestine » ont été lancés, d’autres ont eu pour objet de s’opposer à la transformation de Pai en une nouvelle « terre promise ». Des autocollants apposés un peu partout dans la ville semblent ironiquement faire la promotion de Pai en tant que nouvelle destination permettant « de faire une pause dans le génocide pour aller faire la fête ».
A cause de la couverture incessante du sujet dans les médias, la question a pris une ampleur nationale et la Première ministre thaïlandaise, Paetongtarn Shinawatra, s’est directement mêlée à la controverse. Au mois de février, elle a indiqué que certaines informations qui circulaient étaient des « infox » – démentant notamment qu’une propriété appartenant à des Israéliens avait interdit son accès aux Thaïlandais et que plus de 30 000 Israéliens s’étaient installés à Pai.
« Attendez une seconde », avait dit Paetongtarn. « Nous avons déjà vérifié que ce n’était pas vrai ».
Si le ministère israélien des Affaires étrangères a refusé de réagir à cet article, l’ambassade d’Israël en Thaïlande a diffusé, le 21 février, un communiqué consacré à la situation.
« Au cours des dernières semaines, plusieurs incidents impliquant le comportement de touristes israéliens ont conduit les autorités thaïlandaises à prendre des mesures strictes, en particulier à Pai », a écrit l’ambassade, notant que « ces incidents ont eu un impact négatif sur l’image des touristes israéliens et ils sont susceptibles d’affecter l’accueil chaleureux qui est réservé aux Israéliens en Thaïlande ».
Le communiqué énumère des directives détaillées sur les bons comportements à adopter – notamment le respect du calme dans les espaces publics, le respect des coutumes locales et une tenue vestimentaire appropriée. « Les Thaïlandais respectent et accueillent chaleureusement les touristes israéliens. Maintenons cette relation », a insisté l’ambassade, ajoutant que plusieurs Israéliens avaient récemment été expulsés pour avoir enfreint ces règles.
Interrogés sur la portée de la répression des comportements considérés comme abusifs, les responsables thaïlandais de l’immigration et de la police ont refusé de donner des statistiques précises sur le nombre d’Israéliens accusés de divers délits ou expulsés, évoquant des raisons de confidentialité.
Néanmoins, la situation a amené les autorités à prendre des mesures. Le chef de la police nationale, Kittharath Punpetch, a fixé un délai de sept jours aux agents pour enquêter sur les ressortissants étrangers qui vivent à Pai et qui sont soupçonnés d’activités illégales présumées et de troubles à l’ordre public. Les services d’immigration, la police touristique et les autorités locales ont reçu pour instruction de coordonner leurs efforts.
« Tous les commissariats de police ont été invités à vérifier si des actions judiciaires appropriées ont bien été entreprises à l’encontre des ressortissants étrangers en infraction avec la loi », a commenté le porte-parole de la police, le lieutenant-général Achayon Kraithong.
Le ministre de l’Intérieur, Anutin Charnvirakul, s’est rendu à la maison Habad de Pai, le 26 février, pour examiner directement et de lui-même la situation. Il a expliqué que les informations qui faisaient état d’une « prise de contrôle » de Pai par les Israéliens étaient mensongères. « J’ai l’assurance que ces visiteurs [israéliens] respectent la loi et qu’ils ne représentent aucune menace pour la communauté locale », a-t-il dit.
Une recherche de solutions alors que la haute saison se termine
Alors que la « saison des feux » se profile à l’horizon dans le nord de la Thaïlande, certains habitants espèrent que l’arrêt naturel du tourisme permettra un apaisement des tensions, car la fumée dégagée par les agriculteurs qui font brûler leurs champs est à l’origine d’une baisse notoire de la qualité de l’air qui rime avec la fuite des vacanciers.
« Le mois prochain, ce sera la saison des feux. Tout le monde va partir vers le sud », fait remarquer Wood, propriétaire d’un bar thaïlandais qui avait temporairement affiché un panneau « Pas d’Israéliens » qui a depuis été retiré à la demande de la police.
Grinberg partage cet optimisme prudent, estimant que « les choses vont se calmer » et que « peut-être que toute la mauvaise publicité faite à Pai éloignera un peu les Israéliens de cette ville ». Lui et d’autres membres de la communauté ont collaboré avec la police touristique pour promouvoir une compréhension culturelle, entreprenant diverses initiatives : distribution de dépliants éducatifs, organisation de projets communautaires, notamment en nettoyant les parcs ou en faisant du bénévolat au sein d’un orphelinat birman local.
La menace faite par le Bureau de l’immigration de révoquer les permis des ressortissants étrangers « dont le comportement pose un risque pour la société, affectant la paix et la sécurité publique » laisse présager de potentielles conséquences à long-terme pour le tourisme israélien en Thaïlande. Avec une enquête de police en cours, alors que le ministère reste attentif à ce qui se passe sur le terrain, l’affaire a pris une envergure qui dépasse de loin les frontières locales.
Pour le moment, les commerçants, comme madame Rennie, continuent d’accueillir les visiteurs tout en espérant un échange culturel plus respectueux.
« En Thaïlande, on travaille vraiment très dur », explique-t-elle, précisant que nombre de ses employés ne gagnent « que 300 bahts [environ 30 shekels] par jour de travail ».
Elle comprend le désir des jeunes voyageurs de faire la fête avec leurs amis : « Quand j’étais jeune, j’avais les mêmes sentiments. De plus, si j’allais dans un autre pays et si je rencontrais des amis thaïlandais, j’en profiterais réellement et ça me rendrait très heureuse ».
Mais Rennie espère qu’un équilibre pourra être trouvé : « Bien sûr qu’on peut s’amuser, mais… en respectant certaines limites ».
« Je veux juste rencontrer quelqu’un qui puisse nous aider et qui puisse comprendre ce que nous ressentons », ajoute Rennie, qui espère que les jeunes vacanciers apprendront à apprécier la culture thaïlandaise. « Peut-être qu’ils sont jeunes, peut-être qu’ils ne savaient pas et peut-être que c’était leur premier voyage ici. J’espère qu’ils vont comprendre ».
Par Eliyahu Federman – The times of Israël – 24 mars 2025
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