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Évadez-vous en Thaïlande par la lecture !

Les vacances sont terminées, mais il n’est pas interdit de s’évader par la lecture. L’Histoire du Siam et de la Thaïlande, écrit par Jean-Michel Kauffmann et publié récemment chez Soukha, nous en donne l’occasion et vient combler un sérieux manque dans l’historiographie française consacrée au « pays du sourire ». 

Car jusque-là, nous n’avions qu’un Que sais-je ? par Xavier Galland, ainsi qu’un guide aux Belles Lettres sur le Siam, signé Michel Jacq-Hergoualc’h. Jean-Michel Kauffmann nous propose un ouvrage magnifique sur papier glacé, riche d’illustrations et de cartes, qui retrace de façon exhaustive la longue trajectoire du peuple thaïlandais, du néolithique jusqu’aux dernières élections législatives de 2023.

Voisin du Funan (Sud-Cambodge) et du Chen-la (Nord-Cambodge/Laos), le royaume de Dvaravati occupait pratiquement toute la Thaïlande actuelle. De population mône-khmer originaire du Yang-Tsé-Kiang, en Chine, le peuple dvaravati s’indianisa rapidement, adopta le pali et le sanskrit ainsi que les deux grands systèmes religieux que sont l’hindouisme et le bouddhisme Theravada.

Au XIe siècle, nous dit l’auteur, le royaume aurait probablement disparu sous les assauts des peuples birman, khmer et siamois. Si bien que les populations autochtones d’origine mône se diluèrent progressivement au contact d’éléments thaïs provenant du Sud-Yangzi. Ceux-là fondèrent, au XIIIe siècle, le premier État organisé de leur histoire avec le royaume de Sukhothai (1238). Puis U-Thong, futur premier roi du Siam, en voulant fuir la variole avec son peuple, bâtit une nouvelle capitale à Ayutthaya.

Si Jean-Michel Kauffmann nous explique que le contrôle de Sukhothai fut l’enjeu majeur de conflits entre Ayutthaya et Chiang Mai, capitale du Lan-Na (plus au nord), la menace à venir viendrait surtout des Birmans, et pour plusieurs siècles. Fondé en 1350, le royaume d’Ayutthaya succomba, finalement, aux assauts de l’armée birmane dans la nuit tragique du 7 au 8 avril 1767…

Avec l’arrivée de Taksin, véritable héros national, le Siam retrouva son unité dès 1778, étendant son assise territoriale bien au-delà de ses frontières d’origine. Kauffmann nous raconte comment ce souverain mégalomane, persuadé d’être une réincarnation du Bouddha, fit l’unanimité contre lui et, à l’issue d’une révolution de palais, fut ligoté dans un sac de velours et frappé à mort à la nuque avec un gourdin en bois de santal (!). Son successeur, Chao Phraya Chakri, fut couronné en 1782 sous le titre de Rama Ier, fonda la dynastie Chakri qui est encore au pouvoir aujourd’hui et déplaça la capitale à Bangkok, la « cité des anges ».

L’auteur narre évidemment les premiers contacts avec les peuples européens, au XVIe siècle d’abord avec les Portugais, puis au XVIIe avec les Hollandais, les Anglais et, enfin, les Français. Ces derniers avaient naturellement la sympathie du roi Phra Narai, qui appréciait le fait que les sujets de Louis XIV s’occupaient davantage de religion que d’obtenir des concessions commerciales. Les rapports avec la France, malheureusement, se sont peu à peu assombris, jusqu’au XIXe siècle. Époque où Rama IV eut à cœur de maintenir l’indépendance du royaume face aux puissances coloniales européennes en cédant sur des points mineurs.

En 1907, les frontières définitives du Siam furent établies. Mais c’est avec sa contribution modeste à la guerre de 14-18 que naquit, véritablement, une conscience nationale.

Kauffmann revient longuement sur l’alliance du Siam (rebaptisé Thaïlande en 1939) avec le Japon durant la Seconde Guerre mondiale, qui lui permit un temps de récupérer les possessions françaises de la rive droite du Mékong ainsi qu’une partie importante du Cambodge.

À l’issue de la guerre, la Thaïlande adopta un régime beaucoup plus autoritaire mais allié aux États-Unis dans sa lutte contre le communisme. Grâce aux aides américaines, le pays connut alors un bond économique sans précédent, tandis que sa vie politique vit une succession de coups d’État dont le dernier remonte seulement à 2014.

Face à l’instabilité du régime, nous dit-on, la monarchie assure malgré tout l’unité du pays. En cela, la mort de Rama IX en 2016 fut vécue par les Thaïs comme une immense tragédie.

Passionnant de bout en bout, cet ouvrage offrira aux amateurs d’Histoire un éclairage indispensable sur ce grand peuple d’Asie du Sud-Est.

Par Pierre Marcellesi – Boulevard Voltaire – 8 septembre 2024 

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