Le coronavirus, à prendre au sérieux mais sans affolement
Le Britannique H.G.Wells a écrit que « l’histoire de l’humanité s’apparentait de plus en plus à une course entre l’éducation et la catastrophe ».
Mort en 1946, il avait connu deux guerres mondiales et avait donc pu se faire une idée assez claire de ce que l’ignorance pouvait produire en termes de mensonge et de désastre. Et la paranoïa, l’égoïsme et le complotisme qui sévissent aujourd’hui sur la planète autour de la crise du coronavirus ne l’auraient certes que renforcé dans son analyse.
Entre les populations de Waingmaw, dans l’état de Kachin, au nord de la Birmanie, qui ont manifesté la semaine dernière afin que soit fermée la frontière avec la Chine pour éviter que l’épidémie n’entre en Birmanie (oubliant qu’eux-mêmes vivaient pour l’essentiel du commerce transfrontalier), ceux qui répandent des mensonges sur Facebook (qui d’ailleurs tarde à réagir sur ce sujet), et ceux qui restent persuadés que les officiels de tous bords leurs mentent et les trompent (pour certains, le complotisme demeurent leur dernier asile pour exister en société et donner l’impression d’avoir des connaissances sur quelque chose…), la coupe de la panique est pleine… et celle de la raison vide !
Pourtant, le gouvernement birman a pris très au sérieux le risque d’une épidémie, créant assez tôt une cellule de veille avec l’assistance de l’Organisation de la santé (OMS), réclamant et obtenant des kits de diagnostic et mettant en œuvre les principales recommandations de l’OMS afin de prévenir la propagation de la maladie. Le cas de cette malade sud-coréenne de 34 ans est pour cela exemplaire : après qu’il a été établi qu’elle avait séjourné dans Yangon entre le 13 et le 17 février, sept personnes ayant été en contact avec elle ont été isolées et mise sous surveillance. Il en a été de même pour les divers malades présentant des symptômes compatibles avec Covid-19 : ils ont été mis à l’isolement, notamment à l’hôpital Waibargi qui est équipé pour cela, avec une douzaine de chambres permettant à la fois un traitement suivi, une surveillance constante et une quarantaine efficace. S’il est vrai que la plupart des hôpitaux de Birmanie sont anciens et peu ou mal équipés, il est aussi vrai que certains, comme Waibargi donc, sont en capacite d’accueil et de traitement si besoin est. En outre, le groupe d’expertise et de suivi mis en place par le ministère de la Santé et des Sports avec l’assistance de l’OMS et de l’hôpital Samitivej est en alerte permanente et tout à fait capable d’intervenir rapidement en cas de besoin.
Autre point positif pour la prévention, la page spéciale mise en place sur le site du ministère et celle également créée sur Facebook afin de tenir la population au courant de l’évolution de la maladie dans le pays. Deux pages que nos sources confirment être sérieuses et transparentes. Les autorités birmanes ont manifestement parfaitement compris d’exemples précédents, et notamment du début de crise en Chine, à quel point la transparence de l’information est un facteur clef du contrôle de l’épidémie. Pour la communication à l’intention de la communauté française, l’ambassade de France envoie des messages réguliers indiquant l’évolution en Birmanie et elle a communiqué les liens de deux pages officielles permettant à ceux qui le souhaitent de s’informer à la fois sur les risques, sur les mesures prophylactiques et sur les comportements corrects pour éviter tant la contamination que la propagation de la maladie. Les six conseils de bases se trouvent facilement partout mais les rappeler ici ne peut pas nuire :
- Se laver les mains régulièrement, a l’eau et au savon ou se frictionnant avec de l’alcool
- Lorsque vous toussez, couvrez-vous la bouche et le nez avec un mouchoir en papier. Après, jetez ce mouchoir dans une poubelle fermée et lavez-vous les mains.
- De manière générale, évitez de vous toucher les yeux, le nez, la bouche.
- Autant que faire se peut, gardez vos distances, de l’ordre du mètre, avec les autres personnes.
- N’utilisez un masque que si vous êtes malades ou si vous soignez un malade. Autrement, inutile de suffoquer et d’enrichir les vendeurs…
- Si vous présentez des symptômes de toux, fièvre ou difficultés respiratoires, surtout ne vous déplacez pas ! Ce serait prendre le risque de contaminer d’autres personnes et les soignants auraient moins de temps pour vous… Restez chez vous, appeler un médecin ou l’ambassade qui vous donnera le contact de son médecin référent.
Enfin, il convient de garder en tête que même s’il faut prendre très au sérieux la maladie et les précautions, il n’y a aucun sens à tomber dans la panique. La grippe saisonnière tue entre 250 000 et 500 000 personnes dans le monde chaque année, Covid-19 en est à un peu plus d’un millier… Le taux de mortalité est de l’ordre de 2%, ce qui est élevé (la grippe saisonnière est de l’ordre de 0,1%), mais concerne avant tout des personnes déjà fragiles, qui sont donc celles devant bénéficier de la plus grande attention. En outre, le rapport de la dernière mission indépendante de l’OMS en Chine (du 16 au 24 février) confirme que la transmission entre humains se fait principalement au sein de la famille, donc que les mesures prophylactiques de base listées plus haut sont un excellent garde-fou. Autre conclusion majeure de cette étude, les enfants sont très peu atteints (2,4% de tous les cas identifiés en Chine). A Wuhan, aucun cas d’enfants malades entre début novembre et mi-janvier, alors que les adultes étaient touchés en nombre. Aucun cas de transmission d’un enfant vers un adulte non plus. Si le rapport reconnaît ne pas pouvoir expliquer ce phénomène pour l’instant, faute pour l’instant d’une solide étude sérologique, l’observation est là, et concluante.
Enfin, avec ce travail de terrain, l’OMS confirme ce que Pékin affirmait, que le pic de l’épidémie est passé autour de Wuhan ou dans la province du Hubei. Même si de nouveaux cas sont enregistrés quotidiennement, leur nombre décroît. Un des principaux hôpitaux de Wuhan est ainsi passé de 500 cas diagnostiqués par jour fin janvier a une cinquantaine mi-février, sachant que la maladie se déclare environ 5 à 6 jours après que la personne a été infectée. Là encore, cela ne doit absolument pas pousser à une sous-évaluation du risque ; au contraire, cette décroissance du nombre de cas prouve que si les mesures de bases sont prises et suivies sérieusement, il est possible de limiter le développement de l’épidémie.
Lepetitjournal.com – 3 mars 2020
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