25 ans après, retour de l’état de guerre au nord-ouest de la Thaïlande
Le coup d’État en Birmanie a ramené une situation de guerre sur une zone reculée frontalière avec la Thaïlande qui n’avait pas connu cela depuis 25 ans, poussant une nouvelle génération de villageois des deux côtés à fuir les balles et les bombes.
De violents affrontements ont eu lieu entre les rebelles karen et l’armée birmane près de la frontière thaïlandaise dans les semaines qui ont suivi le coup d’État du 1er février, lorsque la junte militaire a évincé un gouvernement élu dirigé par Aung San Suu Kyi.
Les Karen, ainsi que d’autres minorités ethniques séparatistes basées dans les zones frontalières, ont manifesté leur soutien aux opposants pro-démocratie de la junte, généralement issus des villes. Ils ont abrité ceux qui cherchaient à échapper aux militaires, et les tensions préexistantes avec l’armée ont évolué en nouveaux combats.
Mardi, avant l’aube, des combattants karen ont attaqué Thaw Leh Ta, un avant-poste de l’armée birmane, sur la rive ouest du fleuve Salouen qui traverse une région de pentes abruptes et boisées en direction du golfe du Bengale et constitue la frontière avec la Thaïlande.
« Je n’ai jamais entendu de coups de feu comme cela, je n’ai jamais vu de gens ayant besoin de fuir à ce point », s’est étonné Supart Nunongpan, 44 ans, chef du village thaïlandais de Mae Sam Laep, un petit port fluvial constitué de maisons de bois et d’échoppes accrochées à la rive thaïlandaise du Salouen.
Séries de frappes aériennes
L’armée birmane contrôlait Thaw Leh Ta depuis 1995, année où elle avait pris le quartier général de l’Union Nationale Karen (KNU) un peu plus au sud à l’issue des derniers grands affrontements ayant eu lieu dans la région jusqu’à ces dernièes semaines.
Divisée et chassée de la plupart de ses enclaves dans l’est du pays, la KNU a accepté un cessez-le-feu en 2012, mettant fin à une insurrection qui avait commencé peu de temps après l’indépendance de la Birmanie en 1948.
Mais aujourd’hui la guerre a repris et l’armée birmane, équipée d’avions plus efficaces que ceux dont elle disposait il y a 25 ans, a lancé des séries de frappes aériennes contre les positions de la KNU, poussant environ 15.000 villageois à fuir dans la forêt, dont quelques milliers ont brièvement trouvé refuge du côté thaïlandais de la frontière.
Des avions de combat et des hélicoptères birmans ont mené de nouvelles frappes mardi et encore mercredi, ont indiqué les autorités thaïlandaises à la frontière, sans dire s’il y a avait des victimes.
Environ 100 villageois de Birmanie, pour la plupart des personnes âgées, des femmes enceintes ou des enfants, sont passés du côté thaïlandais mercredi pour échapper aux raids aériens, selon l’ONG Free Burma Rangers.
Balles perdues en Thaïlande
Des centaines de Thaïlandais vivant près de la frontière ont également abandonné leurs maisons et ont fui vers l’intérieur des terres. Une femme du côté thaïlandais a été blessée par une balle perdue mardi, ont indiqué les autorités thaïlandaises.
Des villageois ont trouvé refuge dans une école et une église de la communauté de Huay Kong Kad, qui se trouve à une distance de la frontière jugée plus sûre. Ils estiment que les combats sont loin d’être terminés et que ce n’est qu’une question de temps avant que la puissante armée birmane ne tente de reprendre ses avant-postes perdus.
« Je ne me sens pas en sécurité, c’est toujours dangereux. J’ai peur des frappes aériennes », a déclaré à Reuters Amin, 40 ans, un autre habitant de Mae Sam Laep.
La junte birmane ne s’est pas exprimée sur les derniers affrontements, mais le journal d’État Global New Light of Myanmar a jeté la responsabilité des attaques sur une brigade dissidente de la KNU, affirmant que la plupart des membres de la KNU soutiendraient toujours le cessez-le-feu de 2012.
Une affirmation que rejette en bloc le responsable des affaires étrangères de la KNU, Saw Taw Nee, la qualifiant de « non-sens », et affirmant que les médias d’Etat essayaient ni plus ni moins de « diviser pour mieux régner ».
La Thaïlande, qui a accueilli plus de 100.000 réfugiés karens durant plusieurs décennies, a dit vouloir rester à l’écart des combats, tout en assurant qu’elle fournirait une aide humanitaire si nécessaire.
Pour l’heure, les villageois thaïlandais déplacés sont dans l’attente. Plusieurs disent qu’ils n’osent retourner à Mae Sam Laep que pendant la journée pour vérifier leur maison, craignant de nouveaux combats à tout moment.
« J’ai peur parce que nous vivons à la frontière. Les villageois aussi ont peur », a déclaré le chef du village Supart.
Lepetitjournal.com avec Reuters – 29 avril 2021
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