Cambodge : à Phnom Penh, le confinement exacerbe la précarité
La capitale du Cambodge vit son premier confinement depuis le 15 avril. Il est particulièrement strict dans certains quartiers de Phnom Penh considérés comme « zones rouges ». Faute de préparation, 10 jours de confinement auront suffi à mettre à genoux une vaste partie de la population vivant de faibles revenus et à menacer leur sécurité alimentaire.
Narath vit du ramassage et de la vente de déchets plastiques et de canettes en aluminium. Alors pour quelques dollars et malgré le confinement, elle continue de s’aventurer dans les rues de Phnom Penh.
« C’est tout petit chez moi et nous sommes nombreux. C’est dur, car je suis la seule à pouvoir travailler et j’ai un enfant de huit mois. Je n’ai pas suffisamment d’argent pour acheter de la nourriture, alors je suis dans la rue depuis ce matin, mais je n’ai pas encore assez », se lamente Narath.
Vivre au jour le jour
Collecteurs d’ordures, chauffeurs de tuktuk, vendeurs ambulants et bien d’autres vivent au jour le jour avec les revenus qu’ils tirent de la rue. Déjà compliquée par la pandémie, leur situation s’est encore dégradée avec le confinement. Des distributions alimentaires s’organisent donc à l’initiative des autorités, des ONG ou d’individus comme Hao Taing de Local 4 Local.
« Nous avons commencé avant le confinement, mais nous avons adapté le projet depuis. Personne ne peut sortir, ce qui affecte vraiment les revenus des gens. Or avec le manque de revenu, vient le manque de nourriture », explique Hao Taing.
Mais aujourd’hui ces difficultés se font sentir au-delà du secteur informel. Dans les « zones rouges », des quartiers considérés à haut risque, le confinement est particulièrement strict. L’évolution constante des règles sur place a compliqué l’accès à la nourriture ou aux initiatives de soutien.
Faire de son mieux pour économiser en mangeant moins
« J’ai fait une demande pour recevoir une aide alimentaire, mais je n’ai toujours aucune réponse. Je n’ai pas de quoi acheter à manger comme je n’ai plus de salaire », dit Sambath. Il est ouvrier dans le secteur textile. Son usine a fermé début avril et il n’a pas touché un centime ce mois-ci.
« Normalement, c’est moi qui envoie de l’argent à ma famille en province, pour les soutenir. Je ne peux plus et eux ne peuvent pas m’aider. Je vais devoir continuer à emprunter un peu d’argent à mes voisins pour survivre, et faire de mon mieux pour économiser en mangeant moins », ajoute Sambath.
Peu de protection sociale et pas de filet de sécurité en termes de revenus
En quelques semaines, l’impossibilité de circuler couplée à la fermeture des usines, des marchés ou des commerces ont donc privé de revenu des dizaines de milliers de personnes.
Jean-Baptiste Douillet-Romand est confronté au quotidien à des populations précaires dans le cadre de l’ONG Planète enfant et développement. « On a des populations qui n’ont pas forcément une logique d’épargne et d’économie, qui vivent un petit peu au jour le jour. Beaucoup ont des dettes », explique Jean-Baptiste Douillet-Romand. Puis d’ajouter : « Ces populations ont peu de protection sociale et pas de filet de sécurité en termes de revenus. La moindre crise comme ce confinement qui les empêche de gagner de quoi vivre est très très problématique. Maintenant l’enjeu, c’est la durée de ce confinement. »
Le gouvernement cambodgien a annoncé le prolongement du confinement pour au moins une semaine. Un an après le début de la pandémie, le confinement de Phnom Penh démontre qu’il est toujours difficile de trouver un équilibre entre la gestion de la crise sanitaire, économique et leurs conséquences pour les populations les plus fragiles.
Par Juliette Buchez – Radio France Internationale – 27 avril 2021
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