A Luang Prabang, au Laos, le barrage de tous les dangers
Le chantier, qui doit débuter en juin, est situé au “pire endroit possible” d’un point de vue sismique et demeure dangereusement proche d’un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco, s’inquiète le “South China Morning Post”.
Alors qu’il se reposait sur le futur site du barrage de Luang Prabang, Bouddha aurait souri, puis prédit qu’une ville riche et puissante naîtrait un jour dans cette région de basse montagne où le fleuve du Mékong rejoint son affluent, le Nam Khan. L’Unesco s’émerveille aujourd’hui de trouver dans cette ancienne capitale royale du Laos des pagodes qui sont “parmi les temples bouddhistes les plus sophistiqués d’Asie du Sud-Est” et juge son patrimoine, tant architectural qu’artistique, “exceptionnel”, “en parfaite harmonie avec l’environnement naturel”.
Mais ce patrimoine, dans le nord du pays, est désormais menacé par un projet de barrage “situé à seulement 8,6 kilomètres d’une ligne de faille sismique active”, s’inquiète le South China Morning Post. Pour le sismologue thaïlandais Punya Churasiri, interrogé par le média régional, “ce nouveau barrage pourrait ainsi déclencher un fort séisme de magnitude 7 ou 8”.
Malgré ces inquiétudes, et l’absence d’une étude rigoureuse concernant les risques sismiques, les autorités laotiennes ont donné leur feu vert pour ce projet soutenu par des promoteurs et investisseurs thaïlandais. Un énième barrage, rappelle le journal anglophone, qui apparaît comme une nouvelle preuve de l’ambition du Laos, pays enclavé et rural d’Asie du Sud-Est, de devenir “la batterie de l’Asie “en multipliant ses ressources en hydroélectricité.
Ce projet, situé à 25 kilomètres en amont de Luang Prabang, risque également de menacer “l’intégrité” de cette ville classée au patrimoine mondial de l’Unesco.
L’Unesco, rapporte le SCMP, a dès lors enjoint les autorités cambodgiennes d’abandonner le chantier. Si celui-ci arrive à son terme, rappelle ce journal régional, les pays qui achèteraient l’électricité produite à partir de ce barrage violeraient ainsi la Convention du patrimoine mondial des Nations unies.
Minja Yang, ancienne responsable du patrimoine de l’Unesco pour la région Asie-Pacifique, se désole quant à elle de ce énième barrage construit dans ce pays, qui en compte déjà 70 pour une superficie deux fois moins grande que la France : “Le Laos compte tellement de barrages que cela n’a aucun sens [d’en construire un nouveau] et de tuer le tourisme culturel. Cela ne peut que conduire Luang Prabang à se retrouver sur la liste des sites en danger de l’Unesco, et provoquer la perte de milliers d’emplois.”
Courrier international – 10 mars 2023
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