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Révocation de la nationalité : le Cambodge modifie sa Constitution

Le Parlement cambodgien a voté une révision constitutionnelle controversée permettant de retirer la citoyenneté en cas de collusion avec l’étranger, suscitant des critiques.

Une réforme constitutionnelle votée à l’unanimité

Les 125 députés cambodgiens ont voté à l’unanimité vendredi une modification de l’article 33 de la Constitution, autorisant la révocation de la nationalité des personnes accusées de collusion avec des puissances étrangères. Ce changement intervient après un appel lancé en juin par l’ancien Premier ministre et actuel président du Sénat, Hun Sen, en réaction aux critiques émises par des figures de l’opposition exilées concernant un différend frontalier avec la Thaïlande.

Le débat au sein de l’Assemblée nationale n’a duré que deux heures avant que le vote ne soit entériné.

Un changement de formulation majeur

Jusqu’alors, l’article 33 stipulait que « les citoyens khmers ne peuvent être privés de leur nationalité » et garantissait la protection des Cambodgiens à l’étranger. La nouvelle version du texte se lit désormais comme suit : « L’acquisition, la perte et la révocation de la nationalité khmère sont déterminées par la loi. »

Des critiques internationales et nationales immédiates

L’organisation Amnesty International a aussitôt dénoncé cette réforme, qualifiée de « violation odieuse du droit international ». Montse Ferrer, directrice régionale de la recherche pour Amnesty, a exprimé son inquiétude : « Nous craignons profondément que le gouvernement cambodgien, doté de ce pouvoir, ne l’utilise pour réprimer ses détracteurs et les rendre apatrides. »

Le secrétaire général du Candlelight Party, Ly Sothearayuth, a également regretté cette modification : « Quel bénéfice pour la nation à modifier la loi ou la Constitution alors que les politiciens khmers n’ont pas encore trouvé l’unité et la solidarité ? » Le parti avait été empêché de participer aux élections de 2023.

Le gouvernement invoque la souveraineté nationale

Les parlementaires proches du Parti du peuple cambodgien (PPC) au pouvoir ont défendu la réforme comme une mesure nécessaire à la préservation de la souveraineté nationale. La députée Lork Kheng a ainsi déclaré que certains « groupes extrémistes khmers » auraient collaboré avec des puissances étrangères pour diffuser de fausses informations portant atteinte à la stabilité du pays.

Pour Nhoen Raden, élu du parti royaliste Funcinpec, l’amendement souligne « l’importance du nationalisme », soulignant que le Cambodge a déjà connu des pertes territoriales dans son histoire : « La modification constitutionnelle n’est pas destinée à nuire au peuple cambodgien ou à faire pression sur quiconque. Son seul but est de protéger la nation. »

Un pouvoir encadré, selon le ministre de la Justice

Le ministre de la Justice, Koeut Rith, a tenté de rassurer en affirmant que « seuls les individus qui trahissent leur nation » seraient visés. « Ceux qui sont loyaux à la nation ne seront pas concernés par cette révocation. » Il a précisé que la loi s’appliquera aux citoyens « qui conspirent avec des acteurs étrangers, commettent une trahison ou nuisent aux intérêts du peuple et de la nation. »

Koeut Rith a aussi défendu la mesure en la comparant à des dispositifs existants dans plusieurs pays occidentaux : selon une note du Parlement européen de février, la citoyenneté peut être révoquée pour trahison ou déloyauté dans 15 pays de l’UE — et uniquement pour les citoyens naturalisés dans huit d’entre eux.

Des inquiétudes sur l’indépendance de la justice

Cependant, ces comparaisons n’ont pas dissipé les craintes concernant de possibles abus au Cambodge. L’analyste politique Meas Nee a mis en garde contre le manque d’indépendance du système judiciaire : « La question est de savoir si les accusations contre les individus seront traitées de manière indépendante par les tribunaux. »

Depuis plusieurs années, les cours de justice cambodgiennes sont régulièrement accusées par des ONG, des dissidents et des observateurs internationaux d’être sous influence politique.

Par Khuon Narim – CamboJA News / Lepetitjournal.com – 14 juillet 2025

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