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L’énergie du Laos captée par la « diplomatie de la dette » chinoise

Le Laos, petit pays pauvre d’Asie du Sud-Est, est sur le point de céder le contrôle de son réseau électrique à une entreprise chinoise, poussé par des dettes en souffrances contractées auprès du géant régional.

La Chine est régulièrement accusée de déployer une « diplomatie de la dette » pour soutirer des avantages stratégiques au sein des pays qui peinent à rembourser les prêts contractés auprès de Pékin dans le cadre du vaste projet mondial d’infrastructure « Belt and Road Initiative » (BRI) du président Xi Jinping.

La Chine est le plus important créancier du Laos, et l’accord d’actionnariat dans le réseau électrique va assujettir encore davantage le petit pays enclavé de sept millions d’habitants à l’influence de son imposant voisin.

L’accord a été signé le 1er septembre entre Electricité du Laos (EdL) et China Southern Power Grid Co., selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, qui n’a pas donné de détails sur la prise de contrôle.

Trois personnes ayant connaissance du dossier ont déclaré que cela donnerait à la société chinoise le contrôle de la nouvelle entité Electricite du Laos Transmission Company Limited (EDLT).

L’exportation d’électricité est au cœur de la stratégie de développement économique du Laos.

« Solidité financière » et « expérience avisée »

« Cela va donner au réseau laotien un plus grand pouvoir de négociation avec les pays de la région et va commencer à générer des bénéfices », a déclaré l’une des personnes ayant eu un accès direct aux discussions.

L’ambassade de Chine au Laos a fait savoir sur son site Internet que le Laos opèrerait les actifs de transport d’énergie. Elle n’a pas donné de détails sur l’actionnariat mais a déclaré que « le Laos a également la possibilité de racheter progressivement des actions au cours de l’opération ».

Ni EdL ni China Southern n’ont répondu aux sollicitations de Reuters pour commenter l’accord, de même que les gouvernements laotien et chinois.

L’agence de presse Xinhua a cité le ministre de l’Énergie et des Mines du Laos, Khammany Inthirath, qualifiant l’accord de projet clé qui bénéficierait des « atouts de la société chinoise en termes d’expérience, de technologie et de ressources humaines ».

La nouvelle société fonctionnera sous la réglementation du gouvernement laotien, a rapporté Xinhua, mais devrait profiter de « la solidité financière et de l’expérience avisée de China Southern dans la construction, l’exploitation et la gestion de réseaux électriques ».

Le journal d’Etat Vientiane Times a déclaré après l’accord qu’EDLT investirait environ 2 milliards de dollars dans le réseau local et les connexions internationales.

Le Laos a beaucoup investi dans des projets hydroélectriques, nombre d’entre eux financés par la Chine, dans le but de devenir « la pile de l’Asie du Sud-Est ». 

Mais ces projets, ainsi qu’un train à grande vitesse chinois, sont au cœur de l’écrasement du pays par la dette.

Alerte au défaut de paiement

La Banque mondiale a estimé en juin que les niveaux d’endettement du Laos atteindraient jusqu’à 68% du PIB en 2020, contre 59% l’an dernier. Le mois dernier, l’agence de notation Moody’s a mis en garde contre « une probabilité significative de défaut de paiement à court terme ».

Alors que le Laos n’a enregistré que 22 cas de coronavirus et aucun décès, l’épidémie a durement frappé le tourisme et les envois de fonds à l’étranger.

Les besoins du Laos en matière de service de la dette en 2020 représentent environ 1,2 milliard de dollars, les prêts des banques commerciales et les obligations thaïlandaises venant à échéance en septembre et octobre, a déclaré Moody’s, alors que les réserves de change n’étaient que de 864 millions de dollars en juin, selon la banque centrale.

Parmi les entreprises qui souffrent déjà de retards de paiement, figurent les entreprises chinoises à l’origine de projets hydroélectriques, lesquels ne remboursent pas comme prévu, ont fait savoir des personnes en lien avec l’accord China Southern.

La Chine envisage également de reporter une partie du paiement de l’ensemble du service de la dette du Laos, ont déclaré deux personnes en lien direct avec le dossier. 

« Quasi-province de la Chine »

« Sur le plan économique, le Laos va dépendre davantage de la Chine et cela est inévitable », a déclaré Toshiro Nishizawa, un professeur japonais qui a conseillé le gouvernement du Laos sur la stabilité budgétaire.

Le Laos pourrait être éligible à l’allégement du service de la dette proposé par le Fonds monétaire international pour aider certains pays à faire face aux conséquences de la crise du Covid-19, ont souligné deux diplomates occidentaux.

Mais selon eux, le Laos a clairement indiqué qu’il préférait essayer de trouver une solution avec la Chine. Un accord avec le FMI nécessite une plus grande transparence financière.

L’investissement total chinois dans l’électricité, dans son transport, ainsi que dans une zone économique frontalière et d’autres projets, s’élève déjà à plus de 10 milliards de dollars, selon Xinhua qui cite des chiffres émanant du Laos. Cela représente plus du double de l’investissement de la Thaïlande, le deuxième plus gros investisseur.

Une étude publiée en 2019 par le Lowy Institute, organisme basé en Australie, évaluait la dette du Laos envers la Chine à 45% du PIB.

Les relations économiques avec Pékin ont également renforcé les liens politiques, le Laos étant un soutien fiable de la position chinoise sur des questions telles que les différends territoriaux en mer de Chine méridionale au sein de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

Le Laos a d’ailleurs été le premier pays à approuver le message politique du dirigeant chinois Xi Jinping, « bâtir une communauté au destin commun ».

« Donner à la Chine une participation majeure dans le ‘Projet Pile de l’Asie du Sud-Est’ met le Laos sur la bonne voie pour devenir une quasi-province de Chine », a déclaré Brian Eyler, directeur du programme Asie du Sud-Est du groupe de réflexion Stimson Center à Washington.

Lepetitjournal.com avec Reuters – 8 Septembre 2020

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