Muoy Chorm : l’avenir de la haute couture khmère
Muoy Chorm est un jeune designer khmer. C’est en arrivant à Siem Reap à 24 ans qu’il fait de la mode son métier. Deux ans plus tard, en septembre 2016, il s’est déjà fait une place de choix dans ce milieu en représentant le Cambodge à l’événement international ASEAN Pop Culture à Chiang Mai en Thaïlande. Sa créativité est reconnue à l’international, en témoigne son invitation aux prestigieuses Fashion Week de San Francisco et de Paris.
C’est peu après sa naissance que les moines de son village natal Kampong Khleang lui ont donné son nom afin de le protéger et le bénir : Muoy, « un » en khmer. Ayant grandi, loin de la ville, dans les campagnes de la province de Siem Reap, la nature l’anime et le rassure. Les créations des grands couturiers Jean-Paul Gaultier et Alexander Mac Queen ont largement influencé son travail. À seulement 31 ans, il a déjà plusieurs vies à son actif. Lepetitjournal.com l’a rencontré.
Avant d’être designer, vous avez eu de nombreux métiers, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Je suis né dans le village flottant de Kampong Khleang, dans la province de Siem Reap, tout près du lac Tonlé Sap. Je suis le plus jeune d’une fratrie de sept enfants. Avant d’être designer, j’ai été fermier, pêcheur puis conducteur de bateau. Lorsqu’à l’adolescence j’ai eu l’occasion d’aller étudier à Siem Reap, j’ai quitté mon travail de pêcheur que j’exerçais depuis l’âge de 6 ans. Cependant, le manque de ma famille m’a rapidement ramené au village. C’est à ce moment que je suis devenu fermier pendant la saison sèche et conducteur de bateau pendant la saison des pluies.
Parlez-nous de votre art, d’où vient votre inspiration ?
Je puise principalement mon inspiration de la nature, ce qui n’a rien d’étrange puisque c’est dans cette environnement que j’ai grandi. En réalité, nous pouvons trouver de l’imagination de partout, il suffit de savoir diriger son regard.
La mode montre la beauté et l’art, l’émotion et la réalité, donc quand ils se rencontrent, je suis confiant.
Dans mon travail, je cherche à combiner la tradition et la modernité. La tradition, je l’utilise dans la manière de présenter mes œuvres et la modernité se retrouve dans les créations.
La pandémie du Covid a-t-elle eu des répercussions sur vos créations ?
La pandémie mondiale est un double meurtre pour moi. Premièrement, il faut continuer à faire survivre les affaires, ce qui est bien plus difficile que ce que l’on peut imaginer dans le milieu de la mode. Le travail et l’ensemble de la chaîne de production sont extrêmement lents. S’ajoute à cela, la santé mentale et le moral qui doivent tenir. Cette période est vraiment compliquée.
Vous êtes entré dans le domaine de l’art et de la mode très jeune, pensez-vous que les jeunes cambodgiens arrivent à s’approprier ce milieu et à développer leur sens artistique ?
Le domaine de l’art évolue ces dernières années. La difficulté, c’est la peur des nouvelles créations, des nouvelles activités, la peur que celles-ci détruisent la culture cambodgienne. Certaines personnes n’essayent jamais d’apprendre et de s’ouvrir au monde extérieur. Le défi des artistes est d’essayer de mélanger les couleurs dans un pays où le jugement peut être rapide. Nous devons ramener la tradition dans nos créations pour rassurer, tout en modernisant l’art. C’est compliqué pour la nouvelle génération de se faire une place et de créer puisque cette peur de la modernité maintient l’art cambodgien sur le côté. L’industrie de la mode au Cambodge progresse mais doit encore s’ouvrir au monde. Un pays sans art n’est rien, donc c’est par la façon dont nous, les artistes khmers, croyons en ce combat que l’évolution pourra avoir lieu.
La jeune génération a toujours la possibilité d’apprendre et de vivre différemment. Je vis avec la réalité et je travaille avec la confiance, c’est ma façon de développer mon univers. Tant que cette génération développe son propre sens artistique et qu’elle brille toujours de manière unique, j’ai beaucoup d’espoir pour le futur.
Porteur d’espoir pour cette jeunesse khmère créative, il a récemment décidé d’ajouter une touche concrète à ses créations en imaginant un uniforme de haute couture pour les employés de la boutique-hôtel The Butterfly Pea à Siem Reap.
Les créations de Muoy sont à retrouver dans sa boutique située dans le marché de nuit de Siem Reap.
Par Juliette Fontaine – Lepetitjournal.com – 2 mai 2021
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